Évolution de la sexualité en France : ce que dit le rapport CSF 2023
Le rapport Contexte des Sexualités en France (CSF) 2023, coordonné par l’Inserm et l’ANRS-MIE, est une enquête majeure qui examine les évolutions des comportements sexuels, des pratiques, et des enjeux de santé sexuelle en France. Réalisée auprès de plus de 12 000 participants âgés de 18 à 69 ans, cette étude s’inscrit dans la lignée des enquêtes précédentes menées en 1970 et 1992 et 2006. Le rapport 2023, publié le 13 novembre 2024, fournit une perspective comparative sur plusieurs décennies, permettant d’offrir une vision des transformations socioculturelles et sanitaires liées à la sexualité. En tant que sexothérapeute, je me sens pleinement concernée par cette étude et vous en propose une synthèse en 10 points.
1. L’âge du premier rapport sexuel
L’âge médian du premier rapport sexuel reste stable à 17 ans, sans variation notable depuis 2006. Toutefois, une évolution importante est la convergence entre les sexes : alors qu’en 1992 les femmes vivaient leur premier rapport plus tardivement que les hommes (18 ans contre 17 ans), cet écart s’est désormais réduit, reflétant une évolution des normes sociales et une meilleure équité dans l’expérience sexuelle. Les facteurs influençant cet âge incluent l’éducation sexuelle, le milieu socioculturel, et une sensibilisation accrue au consentement. Cependant, des disparités persistent dans la manière dont cette première expérience est vécue, avec des différences dans la perception du plaisir et les attentes liées aux normes de genre. Ces résultats soulignent l’importance de renforcer l’accompagnement éducatif et émotionnel des jeunes pour favoriser des débuts sexuels respectueux et épanouis.
2. Une augmentation du nombre partenaires sexuels
Le rapport montre une augmentation du nombre moyen de partenaires au cours de la vie. En 2023, les femmes de 18-69 ans ont déclaré 7,9 partenaires en moyenne au cours de la vie (+76% par rapport à 2006) et les hommes 16,4 (+38%).
A noter également une augmentation du multipartenariat dans les 12 derniers mois, c’est-à-dire le fait d’avoir eu plusieurs partenaires sexuel·les dans la dernière année. Il est particulièrement significatif chez les jeunes de 18 à 29 ans (1 femme sur 4 et 1 homme sur 3).
3. Évolution des pratiques sexuelles
Entre 2006 et 2023, l’expérience de la fellation a continué de progresser, passant de 78,3 % à 84,4 % chez les femmes et de 85,5 % à 90,5 % chez les hommes, marquant une généralisation accrue de cette pratique.
Pour le cunnilingus, la tendance est similaire, avec une hausse de 83,7 % à 86,9 % chez les femmes et de 85,7 % à 87,7 % chez les hommes, reflétant également une intégration presque généralisée de cette pratique dans la vie sexuelle des couples.
La pénétration anale, bien qu’encore moins fréquente, connaît elle aussi une progression notable : de 35,2 % à 38,9 % chez les femmes et de 46,3 % à 57,4 % chez les hommes, cette pratique étant cependant plus souvent adoptée à des âges plus avancés.
4. Diversité de genre et de sexualité
L’homosexualité est de plus en plus acceptée dans la société, même si les opinions positives sont moins fréquentes chez les hommes (56,2 %) que chez les femmes (69,6 %).
A noter aussi une augmentation des attirances et des pratiques non strictement hétérosexuelles, notamment chez les jeunes de 18-29 ans. Parmi ces individus, 32,3 % des femmes et 13,8 % des hommes déclarent être attirés par des individus du même sexe. En outre, 22,6 % des femmes et 14,5 % des hommes n’ont pas une orientation sexuelle stricte.
Enfin, en 2023, 1 personne sur 1000 ont entrepris des démarches visant à changer de sexe, tandis que 2,3 % des femmes et 2,4 % des hommes affirment avoir eu l’intention de changer de sexe.
5. La sexualité dans les espaces numériques
L’enquête révèle que les pratiques sexuelles numériques sont largement adoptées. Environ 33 % des femmes et 46,6 % des hommes affirment avoir eu un rapport sexuel en ligne, un phénomène particulièrement évident chez les jeunes et les minorités sexuelles (plus de 63 % des jeunes femmes et 72 % des jeunes hommes).
L’échange d’images intimes, bien que moins répandu, est également majoritaire chez les jeunes : 36,6 % des femmes et 39,6 % des hommes de 18-29 ans en ont envoyé au moins une. Cependant, la question du consentement reste un enjeu : si 77 % des femmes sont consentantes à recevoir des images intimes lorsque l’expéditeur est leur partenaire, ce chiffre chute à 22,4 % lorsqu’il s’agit d’un inconnu.
6. Évolution des violences sexuelles
Entre 2006 et 2023, les cas de violences sexuelles ont connu une augmentation notable (+87% chez les femmes et +89% chez les hommes). Le rapport souligne que cette hausse est particulièrement marquée chez les jeunes ; de nombreuses violences ont été subies durant la minorité des victimes.
Cette évolution reflète probablement une meilleure reconnaissance des violences, une plus grande propension à en parler et la reconnaissance du viol conjugal depuis 1992. Des actes autrefois considérés comme “normaux” peuvent désormais être qualifiés de rapports forcés.
7. Une activité sexuelle en baisse
L’activité sexuelle au cours des 12 derniers mois a diminué – que ce soit chez les hommes ou chez les femmes et pour toutes les tranches d’âge. En 2023, 77,2 % des femmes et 81,6 % des hommes ont eu des rapports sexuels dans l’année, contre respectivement 86,4 % et 92,1 % en 1992. Les femmes sans activité sexuelle sur l’année écoulée déclarent en majorité que cette situation leur convient, en particulier les plus jeunes et les plus âgées. Les hommes, quant à eux, affirment être moins contents de cette situation, en particulier ceux de 40 à 59 ans.
Selon le rapport, la fréquence moyenne mensuelle de rapports a également diminué : en moyenne, les femmes ont 6 rapports par mois et les hommes 6,7 (respectivement -30 % et -23 % par rapport à 2006). Les femmes déclarent moins souvent avoir des rapports pour faire plaisir à leur partenaire sans en avoir envie, tandis que cette tendance reste stable chez les hommes.
8. La vie sexuelle se poursuit jusqu’à des âges avancés
En 2023, 56,6 % des femmes et 73,8 % des hommes de plus de 50 ans sont encore actifs sexuellement. Le rapport montre que la sexualité continue même après 80 ans (10,9% des femmes et 39,5% des hommes déclarent avoir des rapports sexuels dans l’année). La satisfaction liée à la sexualité diminue avec l’âge, mais cette baisse est plus rapide chez les hommes que chez les femmes, réduisant l’écart entre les deux sexes sur ce point.
9. Une augmentation des Infections Sexuellement Transmissibles (IST)
L’enquête met en évidence une évolution notable dans les comportements liés à la contraception et à la vaccination contre les IST en France.
- Une prévention limitée lors de nouvelles relations sexuelles : en 2023, 49,4 % des femmes et 52,6 % des hommes utilisent un préservatif lors de leur premier rapport sexuel avec
un·e partenaire rencontré·e dans les derniers 12 mois - Une couverture vaccinale insuffisante : en 2023, 63,5 % des femmes et 52,9 % des hommes de 15-29 ans sont vaccinés contre l’hépatite B, tandis que 50,6 % des femmes et 20,2 % des hommes du même âge sont vaccinés contre les papillomavirus
10. Que retenir de l’étude ?
La conclusion du rapport CSF 2023 met en lumière des évolutions significatives de la sexualité en France. L’âge du premier rapport sexuel se décale, et la fréquence des rapports diminue, notamment chez les jeunes adultes. Chez les séniors, la vie sexuelle se prolonge jusqu’à des âges avancés. La sexualité devient plus diversifiée, avec un nombre croissant de partenaires. Les pratiques sexuelles se diversifient avec une meilleure acceptation des identités et des orientations non hétérosexuelles.
Cependant, des tendances préoccupantes émergent. La baisse de la fréquence des rapports sexuels, les risques liés aux IST et aux grossesses non désirées, ainsi que la persistance des violences sexuelles, soulignent la nécessité de renforcer les politiques de prévention et d’éducation sexuelle.